Alexis Jenni: un écrivain en quête de sens

Alexis JENNI ©Denis Félix 02

bonjour à tous, je vous propose de découvrir l’entretien que j’ai réalisée avec Alexis Jenni  à l’occasion de la sortie de son dernier livre: « Son visage et le tien » ( Albin Michel)

Prix Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, qui avait à l’époque partagé la critique, le Lyonnais Alexis Jenni s’est livré pour cette rentrée littéraire à un exercice d’une grande intimité sur la foi. Son visage et le tien* va, n’en doutons pas, de nouveau diviser ceux qui le liront. Difficile en effet quand on est athée ou agnostique de suivre son questionnement métaphysique très enraciné dans la religion catholique et dans une histoire familiale somme toute assez banale en France. Mais, si on oublie ces références, l’approche et les propos d’Alexis Jenni revêtent un caractère universel. Ses hésitations, la sincérité évidente de sa démarche, son refus du dogme, son besoin de remettre du sacré, de la beauté et de la fraternité au centre de son quotidien concernent toute personne qui tente de comprendre son rôle dans ce monde et souhaite participer à insuffler plus d’humanisme dans nos sociétés. Son cheminement, mis en mots de manière littéraire, crée entre les lecteurs et lui un lien quasi fraternel et nous pousse à nous interroger sur ce qu’est avoir la foi au XXIe siècle. Et si c’était cela, croire, à notre époque ? Tout faire, en prenant des voies diverses, pour incarner un idéal de fraternité qui nous fait terriblement défaut et que nous sommes nombreux à souhaiter retrouver. Entretien.

Votre livre s’intitule Son visage et le tien. “Son” visage, c’est celui du Christ, “le tien”, celui de l’autre en général ?

 Son visage, c’est effectivement celui du Christ, du moins ce que j’en imagine. Le tien, c’est celui de l’extrême singulier, de la personne aimée à qui je dis “tu” et que j’embrasse. Ce titre me permet de signifier qu’entre cette personne et les autres, tous les autres, existent de proche en proche une proximité et une continuité, qui créent un lien entre elle et le reste de l’humanité. Cet enchaînement, cette relation particulière entre les êtres m’aide à décrire, à approcher, à comprendre ce qu’est cette fraternité universelle dont parle le christianisme.

Tous les êtres humains sont mes frères en Dieu. Oui, en théorie, mais comment éprouver cette réalité de manière identique pour tous ? C’est ardu, compliqué, mais si j’expérimente cette difficulté en sachant que le sentiment que j’ai de ma propre vie, de ma présence au monde, de mon intimité existe aussi chez l’autre et nous dépasse de la même manière, alors je peux me sentir uni à lui, en fraternité.

 C’est ce processus que j’essaye de décrire dans ce livre de manière littéraire. Cette démarche m’aide à entrevoir ce qu’est la fraternité enseignée par le Christ et me permet, à la fin du livre, de suggérer au lecteur ce que peut être le “visage” du Christ. Du moins celui que je conçois et élabore de manière littéraire, de page en page. Pour moi, ce visage est fait symboliquement de tous les visages superposés de mes frères en humanité. Ce qui le rend à mes yeux plus tangible et qui rend plus concret le fait que le Christ soit une interface directe entre eux et Dieu.

 couv Son visage et le tien-Alexis JENNI

À qui s’adresse ce livre ? Un athée ou un agnostique va être rebuté par la notion d’un dieu créateur, tout-puissant…

Il s’adresse à tous ceux qui se questionnent sur la spiritualité, le divin, sur le sens de leur vie, sur ce que signifie “être au monde”. Ce livre raconte ma quête intérieure, son évolution, son aboutissement, ses liens avec ma tradition familiale. Ce goût de Dieu que j’éprouve et qui s’enracine dans l’enfance s’est élaboré, affiné au cours des années. Les choses ont maturé tranquillement, à leur rythme, pendant presque trente ans. Avant de revenir à ma culture, je me suis intéressé à d’autres traditions. Puis, il y a un an environ, j’ai éprouvé le besoin d’écrire, de raconter mon cheminement et de clarifier ce que je ressentais. Notamment, vis-à-vis de cette fraternité universelle qui est au cœur du christianisme. C’est une magnifique utopie. Elle permet de considérer l’autre avec bienveillance. Croire en une utopie, c’est choisir la direction que l’on souhaite suivre et c’est agir pour atteindre le but fixé. Croire me rend heureux, serein. Cela peut sembler naïf et avoir un côté “ravi de la crèche”, mais en réalité croire répond pour moi à un double mouvement : à un élan confiant vers l’autre qui me sort de moi-même, de mon égoïsme, et à un accueil de l’autre et de ce qui arrive, qui me laisse ouvert à ce qui est, sans a priori. Cela m’aide à reconnaître un aspect sacré à la vie, en moi, en les autres. À mieux vivre. Alors, oui, croire me rend heureux.

 Un dernier mot sur la foi : vous refusez l’idée qu’elle soit une puissance de consolation…

Croire ne m’aveugle pas, ne m’enferme pas, mais me permet de vivre pleinement… Sentir, c’est croire, c’est aimer. C’est saisir l’intensité d’une présence qui réside entre deux visages lorsque l’amour abolit toute distance et révèle l’éternité. C’est toucher du doigt le mystère de l’amour. L’amour vis-à-vis de cette présence. L’amour vis-à-vis d’un autre. Cela procède de la même démarche, de la même énergie. C’est joyeux et vivant.

 sans-titre

Retrouvez la totalité de cet entretien : http://www.lyoncapitale.fr/Journal/France-monde/Culture/Livres/Alexis-Jenni-rencontre-avec-un-ecrivain-en-quete-de-sens

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