C’est ma rencontre avec la nonne Ani Patchen à Dharamsala au début des années 2000, qui m’a permis, en me bouleversant profondément, d’approcher un peu, avec mes tripes et mon cœur, la réalité du pardon telle qu’enseignée par le bouddhisme.
Le destin, les mots, le courage d’Ani Patchen, décédée aujourd’hui, a marqué tous ceux qui ont eu le privilège de croiser sa route. Née princesse tibétaine, elle devient une grande résistante quand son pays est envahi par les Chinois, avant d’être emprisonnée dans des conditions inimaginables pendant plus de 21 ans. Ayant survécu aux humiliations, privations de nourritures, de soins, à la torture, à l’enchaînement avec des fers aux pieds pendant plus d’une année, à neuf mois passés dans une totale obscurité, aussitôt libérée, elle se rend auprès du Dalaï-Lama pour réaliser son vœu le plus cher : devenir nonne et mener un combat pacifique en faveur du Tibet.
Pardonner à ses geôliers
Dans sa biographie, elle raconte son enfance dans un foyer aimant, son parcours, émouvant, exceptionnel, insoutenable en prison et son apprentissage des enseignements bouddhistes, dont elle dit : « Ils m’ont été d’une immense utilité lorsque j’ai été incarcérée et torturée par les Chinois ». Dans les geôles, c’est en effet sa connaissance de la vacuité des phénomènes – qui n’est pas le néant, mais l’absence de solidité, d’existence propre du monde – qui l’a aidée dit-elle à « être moins vulnérable à toutes les souffrances, aux hauts et bas de l’existence, à l’orgueil, à l’attachement, à la souffrance physique et à acquérir une sérénité qui fait que même au travers des toutes ces épreuves, j’ai résisté. »
Ani Patchen a en effet appris à reconnaître ce qu’est la nature fondamentale de l’esprit, qui se situe au-delà des pensées discursives de plaisirs et de peines, de gains et de pertes, et fait que nous ne sommes plus le jouet de ces pensées. Grâce à cela et « en s’efforçant de regarder en quelque sorte le fond de l’océan en dessous de l’agitation des vagues en surface », malgré les terribles moments d’emprisonnement et de tortures subis, quand les difficultés et les souffrances intenses étaient advenues, la jeune femme a lutté constamment contre la colère, l’injustice, en élargissant ses pensées, en cessant de se concentrer sur ses propres souffrances, et en pensant aux autres tibétains emprisonnés, ce qui lui donnait plus de courage pour lutter. Peu à peu, elle s’est efforcée de pardonner à ses geôliers, à ressentir compassion et tolérance envers eux, à comprendre leur situation, et a pu ainsi garder sa sérénité, son calme et son courage face à cette oppression.
Pour aller plus loin:
À lire : – Et que rien ne te fasse peur : le combat d’une princesse tibétaine d’Ani Patchen (Poche)
Site :
Association à visée culturelle et humanitaire indépendante de toute organisation politique et professionnelle, animée par des bénévoles, elle a pour but de sensibiliser l’opinion internationale sur la cause et le combat des femmes tibétaines, d’améliorer leurs conditions de vie et de les aider à préserver leur culture menacée d’extinction. Cette association reverse des fonds à des personnes physiques en difficulté ou à de petites associations intervenant en faveur des femmes tibétaines (Tibetan Women Association, Mc Léod Gang, etc.).